SPECTROSCOPIE - Spectroscopie moléculaire

SPECTROSCOPIE - Spectroscopie moléculaire
SPECTROSCOPIE - Spectroscopie moléculaire

L’objet de la spectroscopie moléculaire est l’étude du rayonnement émis, absorbé ou diffusé par une substance formée de molécules. Cette étude permet en particulier de relier la fréquence 益 du rayonnement émis ou absorbé, la variation de fréquence 益 du rayonnement diffusé et les intensités de ces rayonnements aux propriétés de l’ensemble des molécules constituant la substance considérée (fig. 1). Dans le cas d’un gaz sous faible pression, les interactions entre molécules étant faibles, on peut relier la structure des spectres d’émission, d’absorption ou de diffusion Raman aux propriétés d’une molécule isolée, alors que, dans le cas des gaz comprimés, des liquides ou des cristaux moléculaires, les interactions entre molécules jouent un rôle important dont il est nécessaire de tenir compte pour interpréter les spectres. Traditionnellement, le terme de «spectroscopie moléculaire» s’applique aux molécules formées de plusieurs atomes: molécules diatomiques et molécules polyatomiques qui sont, en général, traitées séparément; les molécules monoatomiques relèvent de la spectroscopie atomique (cf. ATOME et SPECTROSCOPIE – Spectroscopie atomique).

Le principe de la conservation de l’énergie exige que l’énergie gagnée ou perdue par le rayonnement se retrouve sous la forme d’énergie perdue ou gagnée par les molécules. Il en résulte que l’émission, l’absorption et la diffusion (Raman) du rayonnement sont associées à des transitions effectuées par les molécules entre deux niveaux d’énergie que l’on désignera par E et E . L’existence de raies spectrales de fréquence bien déterminée est liée à l’existence de niveaux d’énergie moléculaire E bien définis. La mécanique quantique permet d’une part de calculer les différents niveaux d’énergie d’une molécule, d’autre part de préciser les conditions auxquelles doivent satisfaire deux niveaux E et E pour qu’une transition entre ces deux niveaux soit permise, donnant lieu à une émission du rayonnement, à une absorption ou à une diffusion avec changement de fréquence.

La spectroscopie moléculaire rend possibles l’identification d’une espèce chimique dans une substance de composition inconnue et le dosage des divers constituants d’un mélange. La position des raies dans le spectre et leurs intensités fournissent au physico-chimiste des renseignements précieux sur la structure des molécules. L’étude des intensités et des profils de raies permet d’atteindre des grandeurs physiques comme la température ou encore la pression, ce qui revêt une importance particulière en astrophysique.

Parmi les développements de la physique expérimentale qui ont donné à la spectroscopie moléculaire un nouvel essor, il faut citer l’utilisation des lasers et les progrès de la radioastronomie et de l’astronomie infrarouge.

1. Les différents types de spectres moléculaires

On peut classer les spectres moléculaires soit d’après la nature de la variation d’énergie moléculaire mise en jeu dans la transition (transitions électroniques, vibrationnelles, rotationnelles), soit d’après la nature de l’interaction entre molécule et rayonnement (spectres d’émission, d’absorption, de diffusion Raman).

Énergie des molécules et classification des transitions

Si l’on ne s’intéresse pas au mouvement de translation, qui ne donne lieu à aucune interaction avec le champ électrique ou le champ magnétique du rayonnement, l’énergie d’une molécule peut, en première approximation, être écrite comme une somme de trois termes:

associés respectivement au mouvement des électrons (énergie électronique), aux oscillations effectuées par les noyaux autour de leurs positions d’équilibre (énergie de vibration) et à la rotation d’ensemble de la molécule (énergie de rotation). Ces trois termes sont quantifiés: le diagramme des niveaux d’énergie d’une molécule est schématisé sur la figure 2.

La variation d’énergie moléculaire associée à une transition spectrale s’écrit:

Chaque terme, dans la somme du second membre, est petit vis-à-vis de celui qui le précède; cela explique la structure du diagramme des niveaux d’énergie faisant apparaître des niveaux électroniques relativement espacés, décomposés en sous-niveaux vibrationnels plus serrés, chaque niveau vibrationnel étant à son tour décomposé en sous-niveaux rotationnels encore plus serrés. On peut distinguer trois types de spectres moléculaires:

– Les spectres de rotation dans lesquels l’énergie électronique et l’énergie de vibration ne changent pas ( Ee = Ev = 0). Le spectre est formé de raies associées chacune à une valeur de Er .

– Les spectres de vibration-rotation, dans lesquels l’énergie électronique ne change pas ( Ee = 0). Le spectre est formé de bandes associées chacune à une valeur de Ev. Chaque bande est constituée par des raies associées aux différentes valeurs de Er .

– Les spectres électroniques constitués par des systèmes de bandes associés chacun à une valeur de Ee . Les bandes d’un même système correspondent à des valeurs différentes de Ev. Chacune des bandes est formée de raies associées à des valeurs différentes de Er .

Ce qui précède est valable pour les gaz; dans le cas d’un liquide, les interactions entre molécules empêchent celles-ci de tourner librement, et les niveaux vibrationnels ne sont plus décomposés en sous-niveaux rotationnels discrets. Au lieu d’un spectre de vibration-rotation formé de bandes que l’on peut résoudre en raies, on observe un spectre de vibration, formé de bandes larges associées aux différentes valeurs de Ev.

Spectres d’émission, spectres d’absorption

L’énergie du photon émis ou absorbé est égale à l’énergie perdue ou gagnée par la molécule, conformément à la relation de Bohr:

Il en résulte que les trois types de spectres décrits ici sont observés dans des domaines de fréquences différents: les spectres de rotation dans les micro-ondes ou dans l’infrarouge lointain; les spectres de vibration-rotation dans l’infrarouge moyen ou proche; les spectres électroniques dans l’ultraviolet, le visible ou l’infrarouge proche.

La position d’une raie est définie dans le domaine des micro-ondes par sa fréquence 益 exprimée en mégahertz; dans les domaines optiques par son nombre d’ondes 靖 exprimé en cm-1 (ou kaysers). Fréquence et nombre d’ondes sont obtenus en écrivant la différence de deux termes spectraux:

associés respectivement au niveau supérieur (d’énergie E ) et au niveau inférieur (d’énergie E ) entre lesquels s’effectue la transition (c désigne la vitesse de la lumière).

La mécanique quantique permet d’établir la condition pour qu’une transition soit permise entre deux niveaux E et E (règles de sélection). Elle montre que l’émission ou l’absorption du rayonnement électromagnétique sont en général liées à des mouvements moléculaires de nature électronique, vibrationnelle ou rotationnelle impliquant une variation du moment dipolaire électrique de la molécule. Cette émission et cette absorption dipolaires électriques constituent le phénomène prépondérant; il peut cependant arriver que l’on observe des raies très peu intenses, interdites par les règles de sélection de l’émission, ou de l’absorption, dipolaire électrique et liées à des variations du moment dipolaire magnétique ou du moment quadrupolaire électrique de la molécule; ces raies sont appelées «raies interdites».

Spectres de diffusion Raman

Lorsqu’on illumine une substance avec un rayonnement monochromatique de nombre d’ondes 靖0 et qu’on étudie le spectre du rayonnement diffusé, on observe une raie intense de nombre d’ondes 靖0 correspondant à la diffusion Rayleigh et appelée raie excitatrice; on observe également, occupant des positions symétriques par rapport à la raie excitatrice, des raies moins intenses de nombre d’ondes 靖0 漣 靖 et 靖0 + 靖 appelées respectivement raies Stokes et raies anti-Stokes. L’énergie ainsi perdue ou gagnée par le rayonnement correspond exactement à de l’énergie gagnée ou perdue par les molécules qui effectuent une transition entre deux niveaux d’énergie E et E :

avec E 礪 E ; les raies Stokes et anti-Stokes correspondent respectivement à des transitions E 良 E et E E . Le déplacement 靖 est beaucoup plus petit que 靖0 (nombre d’ondes d’une raie d’émission atomique: 靖0 力 Ee /hc ). On observera donc des spectres Raman de rotation ( E = Er ) et des spectres Raman de vibration-rotation ( E = Ev + Er ), ces derniers étant en fait des spectres de vibration dans le cas des liquides.

La diffusion Raman est liée à des mouvements moléculaires impliquant une variation de la polarisabilité de la molécule. La mécanique quantique permet d’établir les règles de sélection correspondantes, différentes de celles qui sont obtenues pour l’émission et l’absorption. Le spectre Raman fournit souvent des informations complémentaires de celles que l’on peut déduire des spectres d’émission et d’absorption.

2. Énergie électronique

Pour calculer l’énergie d’une molécule, il faudrait en toute rigueur résoudre l’équation de Schrödinger pour le système formé par l’ensemble des noyaux et des électrons, ce qu’on ne sait pas faire.

On peut se ramener à deux problèmes plus simples en tenant compte du fait que les électrons, bien plus légers que les noyaux, sont animés d’un mouvement beaucoup plus rapide que ces derniers. On étudiera donc d’une part le mouvement des électrons en supposant les noyaux immobiles, d’autre part le mouvement des noyaux dans un champ de forces résultant de leur répulsion mutuelle et de l’attraction moyenne exercée sur eux par le nuage électronique. Cette technique, connue sous les noms de séparation de Born et Oppenheimer ou de séparation adiabatique , permet finalement d’écrire que l’énergie de la molécule est la somme d’une énergie électronique et d’une énergie de vibration-rotation:

Considérons une molécule diatomique et désignons par r la distance des deux noyaux. Le principe de la méthode est illustré par la figure 3 pour la plus simple des molécules diatomiques: l’ion H2+ constitué par deux protons et un électron. On calcule d’abord, pour chaque valeur de r , les niveaux d’énergie de l’électron en résolvant pour r constant l’équation de Schrödinger du problème électronique. Les deux cas limites r = 0 et r = 秊 correspondent respectivement aux atomes réunis (c’est-à-dire à l’ion 22He+) et aux atomes complètement séparés (c’est-à-dire au système 11H + 11H+): le diagramme des niveaux d’énergie est alors celui de l’électron dans 22He+ ou dans 11H. Les courbes b et c représentent la position en fonction de r de deux niveaux d’énergie de l’électron dans la molécule H+2: le niveau le plus profond et un niveau excité. Si on ajoute aux énergies représentées par les courbes b ou c le potentiel répulsif des deux protons (e 2/r ) représenté par la courbe a , on obtient l’énergie potentielle V(r ) qui est utilisée dans le problème vibrationnel pour décrire le champ de forces moyen dans lequel se déplacent les noyaux. Pour un niveau électronique donné, l’abscisse du minimum de V(r ) est la distance internucléaire à l’équilibre re ; l’ordonnée de ce minimum est l’énergie électronique Ee (on prend comme origine le minimum de la courbe potentielle la plus profonde, associée au niveau électronique le plus bas). Le calcul de V(r ), de re et de Ee est très difficile; on l’effectue sur ordinateur en utilisant des méthodes numériques. Des résultats très précis ont été obtenus pour un petit nombre de molécules simples; la précision des résultats décroît rapidement lorsque la complexité de la molécule augmente; on notera en particulier que, pour une molécule polyatomique contenant N atomes, 3 N 漣 6 distances internucléaires r sont nécessaires pour définir une configuration de l’ensemble des noyaux.

3. Énergie de vibration

Molécules diatomiques

L’énergie de vibration Ev est associée aux oscillations des noyaux autour de leurs positions d’équilibre; elle est obtenue en étudiant le mouvement des noyaux dans un champ de forces moyen décrit par le potentiel V(r ) défini dans le paragraphe précédent. La fonction V(r ) admet un minimum qui correspond à la configuration d’équilibre (r = re ). D’autre part, on a V(r )秊 lorsque r0 et V(r )De lorsque r秊, la quantité De désignant l’énergie de dissociation (fig. 4 b).

L’approximation de l’oscillateur harmonique (fig. 4 a) consiste à remplacer la loi V(r ) par une loi parabolique:

dans laquelle k est appelée constante de force ; cette approximation est d’autant plus valable que l’amplitude des oscillations est plus petite. La mécanique quantique donne alors pour les niveaux d’énergie de vibration:

où v désigne le nombre quantique vibrationnel; le terme spectral vibrationnel G(v) et la constante 諸 sont exprimés en cm-1. On peut écrire:

où 益 désigne la fréquence de l’oscillateur en mécanique classique, et où la masse réduite

猪 des deux noyaux de masses m 1 et m 2 est donnée par la relation:

La formule (4) est une première approximation. La figure 4 b montre que, lorsque v augmente, une convergence apparaît dans la suite des niveaux qui ne sont plus équidistants. D’autre part, la suite des niveaux discrets est prolongée par un continuum: lorsqu’on a Ev 礪 De , la molécule est dissociée en deux morceaux et Ev 漣 De représente leur énergie de translation relative qui n’est pas discontinue (toutes les valeurs de Ev sont permises). On peut rendre compte de la convergence de la suite des niveaux en utilisant un terme spectral:

Molécules polyatomiques

Le mouvement des noyaux dans une molécule à N atomes fait intervenir 3 N degrés de liberté dont 3 correspondent à des translations en bloc et 3 à des rotations en bloc; 3 N 漣 6 degrés de liberté correspondent donc à des déformations de la figure géométrique formée par les noyaux. Pour étudier la vibration de la molécule, il faut considérer le mouvement des noyaux dans un champ de forces moyen qui sera décrit au moyen d’un potentiel V dépendant de 3 N 漣 6 coordonnées associées aux degrés de liberté relatifs à des déformations. On peut choisir ces coordonnées de telle façon que le potentiel soit, en première approximation, de la forme:

similaire à celle de (3). Les coordonnées Q sont appelées coordonnées normales. La vibration complexe d’une molécule polyatomique peut ainsi être considérée comme la superposition de 3 N 漣 6 oscillations harmoniques simples appelées vibrations normales. La figure 5 montre la forme des vibrations normales pour deux types de molécules triatomiques. On notera qu’une molécule linéaire possède en fait 3 N 漣 5 coordonnées normales (dans le dénombrement des degrés de liberté, il faut compter deux rotations en bloc seulement, car la rotation autour de l’axe moléculaire laisse la configuration d’équilibre immobile). Si toutes les coordonnées normales correspondent à des oscillations dont les fréquences 益 sont distinctes, le terme spectral vibrationnel s’obtient par généralisation de la formule (4):

Il arrive cependant que des coordonnées normales distinctes soient associées à des oscillations de même fréquence 益 (fig. 5 b). On dit alors que la vibration normale de fréquence 益 est dégénérée. Soit dj le nombre de coordonnées normales associées à la vibration normale de fréquence 益j , égale à cj . On montre que le terme spectral vibrationnel s’écrit:

les valeurs possibles des dj dépendent des propriétés de symétrie de la configuration d’équilibre (cf. tableau).

Ce qui précède est relatif à l’approximation des oscillateurs harmoniques. Comme pour la molécule diatomique, on peut tenir compte de l’anharmonicité en ajoutant dans l’expression du terme spectral G des contributions de degré plus élevé par rapport aux nombres quantiques vibrationnels.

4. Énergie de rotation

Une première approximation consiste à considérer la molécule comme indéformable, figée dans sa configuration d’équilibre: c’est l’approximation du rotateur rigide. Une étude plus précise exige un calcul global de l’énergie de vibration-rotation, que l’on peut toujours écrire comme la somme d’un terme purement vibrationnel Ev et d’un terme rotationnel dépendant aussi des nombres quantiques vibrationnels; cette dépendance traduit l’influence de la non-rigidité de la molécule.

Molécules diatomiques

Les niveaux d’énergie de rotation d’une molécule diatomique sont donnés, dans l’approximation du rotateur rigide, par la formule:

où F(J) est le terme spectral rotationnel exprimé en cm-1 et Be la constante d’inertie (ou constante rotationnelle) inversement proportionnelle au moment d’inertie de la molécule; elle a pour valeur:

où Ie désigne le moment d’inertie de la molécule, dans sa configuration d’équilibre, par rapport à une droite passant par le centre de masse Og et perpendiculaire à l’axe moléculaire z. Le nombre quantique rotationnel J caractérise le moment cinétique P de la molécule tournant autour d’un axe passant par Og et perpendiculaire à z :

la relation Er = P2/2 Ie étant valable aussi bien en mécanique classique qu’en mécanique quantique.

L’influence de la non-rigidité de la molécule se manifeste par deux effets: il faut, dans la formule du rotateur rigide, remplacer la constante rotationnelle à l’équilibre Be par une valeur moyenne de la constante rotationnelle, calculée sur un niveau vibrationnel donné (on supposera qu’il s’agit du plus bas niveau vibrationnel et on désignera cette valeur moyenne par B0); il faut aussi introduire un nouveau terme, de degré deux par rapport à J(J + 1), qui traduit l’influence de la distorsion centrifuge. Le terme spectral rotationnel devient alors:

où la valeur de B0 est assez peu différente de celle de Be , et où D est beaucoup plus petit que B0.

Molécules polyatomiques

On se placera encore dans l’approximation du rotateur rigide. Il est commode de classer les molécules polyatomiques en quatre familles, selon les propriétés de symétrie (cf. tableau).

Les molécules du type rotateur symétrique , encore appelées molécules à symétrie axiale , ont une configuration d’équilibre qui possède un élément de symétrie constitué par un axe de rotation propre ou impropre d’ordre n 閭 3; on le désignera par z. La molécule, considérée comme un rotateur rigide, se comporte comme un ellipsoïde de révolution, toutes les directions perpendiculaires à z étant équivalentes. Les niveaux d’énergie de rotation sont donnés par la formule:

avec J = 0, 1, 2, ...
et K = 0, 梁 1, 梁 2, ..., 梁 J.

Les deux constantes d’inertie:

sont inversement proportionnelles aux moments d’inertie par rapport à l’axe z et par rapport à un axe x perpendiculaire à z. Le terme spectral F(J, K) dépend de deux nombres quantiques rotationnels, J et K. Le moment cinétique est toujours égal à 寮連J(J + 1); sa projection sur z est égale à 寮K, ce qui explique la condition |K| 諒 J.

Les molécules linéaires sont des rotateurs symétriques particuliers (Iezz = 0). L’axe de rotation étant perpendiculaire à z , on a K = 0. L’expression (8) devient indéterminée, Bezz étant infini. Le calcul donne en fait, pour le terme spectral rotationnel, l’expression (6) avec Be = Bexx . Tout ce qui a été dit des molécules diatomiques est valable pour la rotation des molécules polyatomiques linéaires.

Les rotateurs sphériques sont également des rotateurs symétriques particuliers (Iexx = Iezz ). On a Bexx = Bezz , et la formule (8) se ramène encore à la formule (6). Les molécules correspondantes, considérées comme des rotateurs rigides, tournent comme des sphères autour de leur centre.

Les rotateurs asymétriques , considérés comme rigides, se comportent comme des ellipsoïdes. Les niveaux d’énergie de rotation dépendent de trois constantes d’inertie inversement proportionnelles à des moments d’inertie calculée par rapport à trois axes perpendiculaires entre eux. L’équation de Schrödinger ne peut pas, dans ce cas, être résolue rigoureusement. Les niveaux d’énergie de rotation ne sont pas exprimés par une formule algébrique: on les calcule numériquement.

5. Spectres de rotation

Molécules diatomiques et molécules polyatomiques linéaires

On n’observera un spectre de rotation en émission ou en absorption que si la rotation de la molécule entraîne une variation de son vecteur moment dipolaire électrique. Pour cela, il est nécessaire que la molécule possède un moment permanent. Ce n’est pas le cas pour les molécules diatomiques ou linéaires symétriques (H2, 2, 2, C2, C2H2 ...); ces molécules n’ont pas, par conséquent, de spectre de rotation ni en émission, ni en absorption. Considérons une molécule non symétrique; la règle de sélection pour l’émission et pour l’absorption s’écrit:

Les nombres d’ondes des raies sont donc donnés par:

En utilisant le terme spectral (6) du rotateur rigide, on obtient:

Le spectre est constitué par une série de raies équidistantes (fig. 6 a), observées dans les micro-ondes ou dans l’infrarouge lointain (les constantes B ayant valeur de l’ordre de quelques dixièmes de cm-1 ou de quelques cm-1). Si on utilise le terme spectral (7), c’est-à-dire si on tient compte de la non-rigidité de la molécule, on voit que la distorsion centrifuge introduit une légère convergence dans l’espacement des raies:

La règle de sélection pour la diffusion Raman s’écrit:

Le déplacement des raies Raman par rapport à la raie excitatrice est, en valeur absolue, égal à:

dans l’approximation du rotateur rigide. Raies Stokes et raies anti-Stokes apparaissent comme deux séries de raies équidistantes (fig. 6 b). La distance de deux raies consécutives est égale à 4 B; les deux séries ont des intensités comparables, les populations des niveaux de départ étant du même ordre de grandeur pour une raie Stokes et la raie anti-Stokes homologue.

Les molécules diatomiques ou linéaires symétriques, qui n’ont pas de spectre de rotation en émission et en absorption, ont un spectre Raman de rotation du fait que la polarisabilité de la molécule a la même symétrie qu’un ellipsoïde de révolution et que la rotation de la molécule entraîne une variation de la polarisabilité. Le spectre Raman de rotation de ces molécules symétriques fait apparaître des alternances d’intensités caractéristiques (suivant que J est pair ou impair): cet effet est dû à l’influence des spins nucléaires.

Rotateurs symétriques

La règle de sélection en émission ou en absorption, pour un rotateur symétrique possédant un moment permanent, est:

En utilisant le terme spectral (8), on obtient une formule identique à (9) avec Be = Bexx . Le spectre a, dans l’approximation du rotateur rigide, la même apparence simple que dans le cas d’une molécule linéaire. Le spectre de diffusion Raman est plus complexe.

Rotateurs asymétriques

La distribution des niveaux d’énergie de rotation d’un rotateur asymétrique n’obéissant à aucune loi simple, les spectres d’émission, d’absorption et de diffusion Raman de ces molécules sont fort complexes et ne font apparaître aucune régularité.

Rotateurs sphériques

Les molécules du type rotateur sphérique ne possèdent pas de moment dipolaire électrique permanent et leur polarisabilité présente la même symétrie qu’une sphère. Il en résulte qu’une rotation de la molécule n’entraîne aucune variation du moment dipolaire électrique ou de la polarisabilité. Ces molécules n’ont pas de spectre de rotation ni en émission, ni en absorption, ni en diffusion Raman.

Structure hyperfine des spectres de rotation

Dans le développement (1) de l’énergie d’une molécule, il faut, en toute rigueur, ajouter dans le second membre un quatrième terme En associé aux couplages des moments nucléaires avec les champs électrique et magnétique créés au voisinage de chaque noyau par le reste de la molécule; En varie avec l’orientation des spins nucléaires par rapport à la molécule. Cela entraîne la présence dans (2), à droite de Er , d’un terme plus petit En . Il en résulte une décomposition des niveaux rotationnels en sous-niveaux associés aux différentes valeurs de En . Cette décomposition se traduit par deux effets: on peut observer, dans le domaine des radiofréquences, des transitions directes entre sous-niveaux En ; d’autre part, les raies du spectre de rotation peuvent posséder plusieurs composantes associées à des valeurs différentes de En .

La grande précision des mesures effectuées dans le domaine des micro-ondes permet d’observer cette structure hyperfine des raies de rotation.

Applications

Parmi les applications des spectres de rotation, on peut citer: le calcul des distances internucléaires (que l’on déduit des moments d’inertie, les masses des noyaux étant connues), la détermination des spins nucléaires (à partir de la structure hyperfine), l’identification de molécules présentes dans le milieu interstellaire (à partir de leur spectre micro-onde).

6. Spectres de vibration-rotation

Pour qu’on observe une raie dans le spectre de vibration-rotation, il faut d’abord que la transition satisfasse aux règles de sélection vibrationnelles, autrement dit qu’elle appartienne à une bande permise; il faut ensuite que la transition soit permise par les règles de sélection rotationnelles propres de la bande considérée.

Molécules diatomiques

La position d’une raie dans le spectre d’émission ou d’absorption est donnée par:

avec v =v 漣 v et J = J 漣 J respectivement donnés par la règle de sélection vibrationnelle et par la règle de sélection rotationnelle. On remarquera d’abord que la vibration d’une molécule diatomique homonucléaire X2 ne donne lieu à aucune variation du moment dipolaire électrique de la molécule qui reste nul. Les molécules diatomiques homonucléaires X2 n’ont donc pas de spectre de vibration-rotation en émission et en absorption. Pour une molécule hétéronucléaire XY, toutes les transitions sont permises par la règle de sélection vibrationnelle:

Cependant l’intensité des bandes décroît rapidement lorsque v augmente. Si l’on se place dans l’approximation de l’oscillateur harmonique, le terme spectral (4) permet d’obtenir la position des centres des bandes de vibration-rotation:

Ces bandes sont respectivement appelées: fondamentale ( v = 1), première harmonique ( v = 2), seconde harmonique ( v = 3). Les constantes vibrationnelles 諸 ont des valeurs de l’ordre de quelques centaines ou quelques milliers de cm-1; les spectres sont donc observés dans l’infrarouge. La figure 7 a schématise l’apparence du spectre d’absorption. On a supposé que toutes les molécules se trouvaient dans le niveau v = 0 qui est le plus peuplé. Les bandes v 良 0 sont appelées bandes froides. Elles sont en fait accompagnées de bandes moins intenses associées à des transitions partant d’un niveau vibrationnel excité (v 0); ces dernières bandes sont appelées bandes chaudes parce que leur intensité augmente quand la température croît. La comparaison des formules (4) et (5) montre que bandes froides et bandes chaudes, qui sont superposées dans l’approximation de l’oscillateur harmonique, ne le sont plus quand on tient compte de l’anharmonicité.

La règle de sélection rotationnelle est donnée par la relation:

Les raies de vibration-rotation sont réparties en deux branches: R et P associées respectivement au signe + et au signe 漣 de la formule précédente (fig. 8). Les formules (6), (10) et (12) permettent d’obtenir les nombres d’ondes des raies de vibration-rotation en émission ou en absorption, soit respectivement pour la branche R et la branche P:

soit encore:

m est égal à J + 1 pour la branche R et égal à 漣 J pour la branche P.

La règle de sélection vibrationnelle pour le spectre de diffusion Raman est identique à (11): toutes les transitions sont permises, mais leur intensité décroît lorsque v augmente. Dans l’approximation de l’oscillateur harmonique, on trouve:

La figure 7 b schématise la position des bandes dans le spectre. Les bandes Stokes sont beaucoup plus intenses que les bandes anti-Stokes (car la population du niveau de départ est plus grande). Chaque bande a une structure rotationnelle définie par les règles de sélection: J = 漣 2 (branche O), J = 0 (branche Q), J = + 2 (branche S).

Molécules polyatomiques

Les règles de sélection vibrationnelles dépendent de la symétrie de la molécule et de celle des vibrations normales impliquées. Les règles de sélection rotationnelles dépendent du type de la bande que l’on étudie. À titre d’exemple, on peut considérer les trois fondamentales d’une molécule triatomique linéaire symétrique comme C2. On caractérise un niveau de vibration par la suite des trois nombres quantiques v1, v2 et v3 associés aux trois vibrations normales. La transition 100 良 000 est interdite en émission et en absorption par les règles de sélection vibrationnelles (la vibration 益1 n’entraîne aucune variation de moment dipolaire électrique: cf. fig. 5 b); cette transition est permise en diffusion Raman. Les deux transitions 010 良 000 et 001 良 000 sont permises en émission et en absorption; la seconde possède une structure rotationnelle analogue à celle d’une bande de molécule diatomique avec deux branches:

la première possède trois banches, P, Q et R, pour lesquelles on a respectivement: J = 漣 1, J = 0 et J = + 1; les raies de la branche Q apparaissent au voisinage immédiat du centre de la bande.

Les bandes de vibration-rotation d’une molécule linéaire symétrique peuvent présenter des alternances d’intensité (dues à l’influence des spins nucléaires) de même nature que celles qui sont observées dans le spectre Raman de rotation. C’est ainsi que les raies correspondant à J impair manquent dans la bande 001 良 000 de C2.

Applications

Parmi les applications des spectres de vibration-rotation, il faut citer le calcul des distances internucléaires (à partir des constantes d’inertie B) et des champs de forces intramoléculaires (à partir des centres de bandes 靖v), l’étude des atmosphères de la Terre, des planètes et des étoiles froides à partir de leur spectre infrarouge. D’autre part, les structures d’un grand nombre de molécules organiques complexes ont été déterminées à partir de leur spectre de vibration: on utilise pour cela le fait que chaque bande d’absorption infrarouge est caractéristique d’un groupement chimique particulier présent dans la molécule et que la position exacte de la bande est également influencée par la nature des groupements voisins.

7. Spectres électroniques

On n’étudiera ici que le cas des molécules diatomiques. On observe, dans le visible, dans l’ultraviolet ou dans le proche infrarouge, un spectre d’émission constitué par un ensemble de systèmes de bandes. Si on considère l’un de ces systèmes, associé à une transition entre deux niveaux d’énergie électronique E e et Ee , les nombres d’ondes des différentes raies d’émission sont donnés par la formule:

où:

désigne l’origine du système de bandes. Dans le calcul de 靖v et de 靖r , il faut tenir compte du fait que la constante vibrationnelle 諸 et la constante rotationnelle B peuvent avoir des valeurs très différentes dans le niveau E e et dans le niveau Ee . Toutes les transitions sont permises par la règle de sélection vibrationnelle ( v quelconque); compte tenu de (4), il vient donc dans l’approximation de l’oscillateur harmonique:

L’influence de l’anharmonicité (cf. terme spectral (5) supra ) se traduit par l’introduction de termes en v 2 et en v 2 dans l’expression de 靖v (formule de Deslandres). Les différentes valeurs de 靖v définissent les centres des différentes bandes du système. On peut les classer en progressions (v constant ou v constant) ou en séquences ( v constant).

Le spectre d’absorption est plus simple que le spectre d’émission. À la température ordinaire, on peut en effet admettre que pratiquement toutes les molécules se trouvent dans le plus bas niveau électronique (ce qui limite le nombre des systèmes) et dans le plus bas niveau vibrationnel (ce qui limite le nombre des bandes dans chaque système à une progression correspondant à v = 0).

La position des raies dans une bande est définie par la valeur de 靖r . La règle de sélection rotationnelle dépend du système de bandes considéré. Les bandes les plus simples possèdent deux branches P et R correspondant respectivement à J = 漣 1 et J = + 1. En utilisant le terme spectral (6), on trouve:

respectivement pour les branches R et P.

En introduisant le symbole m (égal à J + 1 dans la branche R et à 漣 J dans la branche P), on obtient, pour les nombres d’ondes des raies, la formule:

cette loi parabolique avait d’abord été découverte empiriquement par Fortrat.

L’étude des spectres électroniques trouve des applications nombreuses en chimie physique, en physique moléculaire et en astrophysique. Le domaine spectral est particulièrement favorable, du fait de l’existence de détecteurs très sensibles et de la présence d’une fenêtre de transparence atmosphérique qui permet des observations astronomiques à partir du sol. En physique moléculaire, l’application principale est la détermination de la structure électronique des molécules dans leur niveau fondamental et dans leurs niveaux excités. L’extrême sensibilité de la méthode est particulièrement précieuse dans l’étude des espèces à très courte durée de vie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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  • spectroscopie moléculaire — molekulinė spektroskopija statusas T sritis Standartizacija ir metrologija apibrėžtis Molekulinių spektrų tyrimas. atitikmenys: angl. molecular spectroscopy vok. Molekülspektroskopie, f rus. молекулярная спектроскопия, f pranc. spectroscopie… …   Penkiakalbis aiškinamasis metrologijos terminų žodynas

  • spectroscopie moléculaire — molekulinė spektroskopija statusas T sritis fizika atitikmenys: angl. molecular spectroscopy vok. Molekülspektroskopie, f rus. молекулярная спектроскопия, f pranc. spectroscopie moléculaire, f …   Fizikos terminų žodynas

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